Gypsys, tramps & thieves [Mara]

Mais si, vous savez, Mireille Darc. Pas dark ! Ah, les jeunes de nos jours, il faut tout leur expliquer. Les cheveux relevés en gros carré bouffant très blond, type oreilles de cocker, avec frange légèrement ondulée qui tombe sur les sourcils. On redessine les dits sourcils en un simple trait à l'air étonné, même s'ils seront à peine visibles.

La tenue : un ensemble à rayures et à pois noirs et blancs, bras nus, jambes nues, ventre légèrement dévoilé. Quand je dis noir, c'est bleu marine, bien sûr. Une rayure blanche à pois noirs, une rayure noire à pois blancs, quelques alternances un peu plus déstructurées. Horizontales, pas verticales. Le haut, on dirait un foulard, ou une bavette de bébé, le triangle tombant assez bas pour couvrir la poitrine – bon, certes, chez Leilan, il n'y a pas grand-chose à couvrir. Le bas, une jupe inclinée, dont l'avant couvre à peine jusqu'à mi-cuisses, et l'arrière arrive derrière les genoux. Là par contre, Leilan a pas mal de peau à montrer. Je parle de ses jambes, petits coquins. Il a de longues jambes fines dont il est très fier.

Les dites jambes juchées sur des escarpins vertigineux, les poignets et le visage encadrés par des bijoux ethniques, bruyants, aux grosses perles de bois colorées, un trait de maquillage bien noir autour des yeux... pas de rouge à lèvres trop rouges, c'est une époque nature, les années 70, un gloss caramel suffira... et on est partis. Direction le quartier étudiant, et son ambiance "festive et conviviale" comme disent les brochures touristiques. Ce n'était pas un mauvais plan de se faire inviter pour une soirée privée par une copine qui connaissait du monde.

Copine. Haha. Bon, pour ce soir c'était une copine, d'ailleurs Leilan aussi était une copine. Tout était question de déguisement. Un fume-cigarette électronique au parfum vanillé, un petit sac à main de cuir noir et rose, dont la poignée était la queue du chat noir brodé sur les côtés, et il se rendit à grands pas au point de rendez-vous où il était attendu.

Il y avait toujours ce double petit frisson, à retrouver Mara ; d'un côté, c'était toujours drôle de surprendre, et plaisant d'être félicité sur sa tenue par quelqu'un qui s'y connaissait. Mara était étrangement parfaite dans le rôle d'une amie de Leilan, quand elle daignait le jouer : elle appréciait toutes ses petites excentricités comme autant de talents, et elle avait la malice nécessaire pour lui donner la réplique avec brio.

Et d'un autre côté, il ne savait jamais quelles étaient ses intentions exactes. Oui, on aurait pu appeler cela le frisson de l'aventure. Ce soir par exemple, pourquoi voulait-elle aller à cette soirée en particulier ? Pour s'amuser ou pour tout autre chose ? Ah, elle avait toujours l'air de s'amuser, d'une façon ou d'une autre.

Avant ça, elle allait déjà devoir le reconnaître. Mais il se rendit vite compte qu'il était la seule diva années 70 à cet arrêt de bus.

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Haa ! L'ensemble jupe et cuissarde, la perfection. Juste assez de peau découverte pour fixer le regard, et tout le reste, moulé dans le tissu et le cuir, modelé comme un prototype unique de poupée Barbie vintage. Leilan s'inclina pour regarder le laçage des bottes, se releva d'un bond, saisit les mains qui lui étaient tendues, et afficha un large sourire aux crocs étincelants. Ce soir, ils allaient être le couple phare. Déjà dans le bus, on ne voyait qu'eux ! Par facétie, il se composa une voix grave et intimidante pour affirmer :

"Je ne sais pas ce qu'on va faire là-bas, mais ce sera la gloire ! Qu'est-ce que tu veux chanter ? On trouvera bien un micro !"

De son sac à main surgit un dépliant publicitaire, au dos duquel il avait gribouillé une liste de chansons des années soixante-dix, des plus mièvres aux plus trash, en passant par toute une faune festive et déjantée. Des chansons d'amour, des chansons engagées, de simples autoportraits chargés d'ego ou d'humour absurde... et quelques tubes qui respiraient franchement la cocaïne.

Tout lui convenait, personnellement. Le caméléon savait se glisser dans toutes les peaux pour quelques heures, il était donc facile de le faire pour quelques minutes. Restait à espérer que le public serait assez tolérant pour encaisser toutes ses extravagances. En babillant avec Mara, elles passaient vite, les minutes ; mais quelle joie de descendre d'un bus en se pavanant comme tout le casting de Priscilla Folle du Désert additionné en une seule longue silhouette ! Ces derniers mois avaient été trop sages. Difficile de dire si on pouvait qualifier de "bonne" l'influence exercée par Mara sur sa vie, mais en tout cas elle avait une influence. Revitalisante ? C'était peut-être mieux dit ainsi.

"Alors ? Indique-moi la porte, qu'on aille faire un tabac."

La curiosité de Leilan atteignait des sommets. Est-ce qu'il y aurait des gens déguisés en grandes stars de l'époque ? Des héros de cinéma, peut-être ? D'authentiques sosies mêlés aux simples déguisés ? Et les animations, en quoi consisteraient-elles ? Tout était possible de nos jours, dans cette grande ville pleine de fous et de braves, dont ils n'étaient que l'une des facettes.

"Au fait ? qui t'a parlé de cette fête ? tu connais du monde qui y va ? Quelques jolis garçons, je parie," minauda Leilan en suivant son amie, l'air malicieux et un peu cliché. C'était d'époque, ça aussi.

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