Le fracas des vivants [PV Leilan]

Une belle journée sous le ciel irlandais où brillait un soleil encore chaud et généreux, l'air résonnant du vrombissement des moteurs des véhicules sur la route que le brouhaha des passants arpentant les trottoirs surpassait parfois, des groupes de jeunes gens profitant d'une journée sans cours quand d'autres comme Ryan savouraient un congé bien mérité. Les mains dans les poches d'une veste, le regard allant et venant ici et là tandis qu'il finissait de manger un Irish champ acheté à un marchand ambulant dans sa camionnette, tranquillement assit sur un banc jouxtant un coin de verdure au milieu de la ville, le chirurgien aimait à prendre un peu de temps pour lui et lui seul, entre son travail à la clinique et son rôle au sein du club, il était essentiel de prendre le temps de regarder celui-ci s'écouler au rythme d'autrui plutôt que de rester uniquement concentré sur soi, sans quoi on finissait par courir et on oubliait de vivre. L'homme termina sa barquette et se leva pour aller la jeter dans la poubelle la plus proche, passant son pouce entre ses lèvres pour récolter un peu de sauce qui s'y était échouée quand il l'entendit : un crissement de pneus, des exclamations inachevées, des cris avortés que le bruit d'un choc métallique interrompit, suivit du son plus étouffé d'un poids roulant sur un capot avant de heurter le sol, une série de cris de terreur et de stupeur venant parfaire l'interpellation auditive. Pivotant sur ses jambes, le regard du Vice-Président accrocha la scène qui se situait de l'autre côté de la route et dont le tableau lui était plus que familier pour l'avoir déjà vu de nombreuses fois : un véhicule était à l'arrêt, un vélo sous ses roues et le corps d'un malheureux étendu quelques mètres en arrière.

- Et merde.

Les réflexes de médecin autant que de militaire prenaient toujours le relai dans ce genre de situation et, alors même que déjà les gens s'attroupaient pour voir ce qu'il s'était passé, que les téléphones étaient brandis quand d'autres appelaient les secours, que le conducteur de la voiture sortait et s'avançait vers sa victime collatérale, Ryan était déjà en train de jouer des coudes, repoussant les gens en demandant à ce qu'on se pousse, se frayant difficilement un chemin tandis que les gens criaient en appelant un médecin.

- Moi je suis médecin ! Poussez-vous ! Mais poussez-vous !

Ces bandes d'imbéciles mirent plusieurs secondes à s'écarter tandis qu'il arrivait déjà au niveau de la victime, écartant ceux qui se penchaient déjà, repoussant les mains, les bras, les épaules, lançant des regards chargés d'avertissement.

- Ne le touchez pas. Occupez-vous des secours plutôt.

Il s'agenouilla près du corps qui remuait légèrement, un râle de douleur lui échappant alors qu'il essayait de se redresser. De la paume Ryan l'arrêta dans son mouvement, l'empêchant de s'asseoir, l'obligeant à rester allongé.

- Ne bougez pas, les secours sont en route. Je suis médecin, vous vous appelez comment ?

S'assurer de l'état de conscience de la victime une fois qu'on était certain qu'elle respirait, lui demander son nom, son adresse, vérifier la cohérence de ses propos tandis qu'un rapide coup d’œil suffisait à comprendre que c'était surtout la jambe et probablement la hanche qui avaient le plus encaissé le choc, la première étant partiellement tordue quand la seconde semblait décalée comparé au reste du bassin. Il n'y avait pas de fracture externe, pas de sang qui s'écoulait ni ne teignait les vêtements, l'arrière de la tête était également indemne... presque un miracle. Concentré dans ses gestes, dans le recueil d'informations autant que dans le fait de parler pour maintenir l'homme éveillé, Ryan vit une silhouette un peu plus proche et leva ses yeux bleu-vert vers un passant aux cheveux roux, lui faisant signe d'approcher.

- Vous là, venez m'aider. Il faut l'empêcher de s'assoir, restez là et appuyez sur son épaule pour l'empêcher de faire. On ne sera pas trop de deux. Et vous arrêtez de bouger, non vous n'irez nulle part.

C'était son jour de congé bordel, pourquoi fallait-il que ça tombe pile ce jour-là ?


@Leilan Dysmith