BJ / take power

Elle peut se targuer de vouloir allumer les hommes, Billie. On peut lui jeter des pierres, des tomates et même des mini bombes dans la gueule parce qu’elle n’est pas pieuse, elle n’est pas pudique, elle se dévoile un peu plus tous les soirs et elle en apprécierait presque le goût s’il n’y avait pas cet arrière fond amer et pourri. Une habitude, une façon d’être qui devient son quotidien, son masque toujours relevé en même temps que son menton, ses yeux bleus pétillants d’une malice qui n’a de cesse d’agacer - ou de séduire.

Pourtant, Billie n’a pas eu envie de le séduire lui. Le vieil ado non pas boutonneux mais dégoulinant d’alcool et aux traces bien cernées du temps. Billie a des standards, elle n’a de désinvolte que l’apparence. « Allez, viens, je te promets que je te retiendrais pas trop longtemps. » C’est dégoûtant, répugnant, elle aurait envie de le griffer - en vrai, elle ignore ce qui la retient, l’Irlandaise au sang bouillonnant de lui foutre un coup entre les jambes. Ramollir son engin électronique et les deux piles qui vont avec. Mais non, la gamine reste stoïque, pour une fois, ce qui la fout dans une situation bien délicate, à savoir entre le mur défraichi et le corps encore plus défraichi du pauvre type qui a sa main sur elle.

Billie revient de son service, elle ne se rend sûrement pas compte qu’elle est sûrement un peu stone, un peu hagard et que de toute façon, il aurait été impossible pour elle de réussir à le mettre au tapis. Elle a la mine dégoûtée et le nez qui veut s’échapper de l’haleine affreuse de ce type et - hey, garde tes mains où je peux les voir. Est-ce que tu les as dits, ces mots ? Non, ils sont restés cloitrés dans ta bouche, ta grande gueule que là tu fermes et seul dieu sait pourquoi. Tes sœurs seraient là, elles défonceraient le type et après elles se foutraient de ta tronche. Fratrie oblige, on ne touche pas aux sœurs sans en subir les conséquences. Enfin, seule l’aînée n’a pas dû reçu le mémo ou alors elle l’a perdu le jour où elle s’est barrée, ceci dit.

Seulement, il n’y a pas que les sœurs sur lesquelles on peut compter - surtout qu’elles brillent par leur absence - mais aussi sur la gente féminine. Une brune au regard intense qui se pointe. Billie croise ses yeux, elle ignore quel message elle lui passe mais en tout cas, la brune parle, fait écarter le type de sa corpulence et O’Mara ne comprend pas tout de suite ce qu’il se passe avant de voir la brune fait un crochet bizarre au bras du type, qui gémit entre ses dents (parce que c’est un bonhomme, apparemment, il faut faire bonne figure). Billie a les yeux qui prennent vie un court instant, juste le temps de s’écarquiller, de s’émouvoir, d’être presque éblouie par ce qu’elle voit. Ils blablatent, les deux, elle ne suit pas, elle a juste son attention toute dévouée sur sa sauveuse. Quand cette dernière se tourne enfin vers elle, elle semble lui poser une question mais Billie lui répond tout bêtement (sans savoir si c’est en lien avec ce qu’elle lui a dit - car la brune lui a parlé, pas vrai ?) « P’tain, j’veux savoir faire ça, moi aussi. » Béate, comme une héroïne des temps modernes, Billie Jean passe la main dans ses cheveux en rigolant légèrement. « Bon, j’suis plus souple pour faire d’la danse mais j’peux l’faire aussi, hein, pas vrai ? »

C’est trépidant. Elle veut savoir comment faire ça, Billie Jean. Crétin est parti en courant, sa queue bandante au milieu de ses jambes flasques et c’est presque un miracle qu’il ne se soit pas cassé la tronche dans le processus. Billie arrive à passer au–dessus, elle est déjà sur un autre sujet, son attention déviant et précaire étant maintenant complètement dévoué à ce qu’elle vient de voir. Peut–être trop d’enthousiasme débordant mais elle blâmera la descente de l’adrénaline si jamais on vient croire qu’elle n’est que folle. On ne le lui jamais ce genre de choses en face parce que sinon, son poing se faufile avec amour vers l’œil d’autrui.

Même si là, elle n’a pas fait preuve d’une grande défense – elle a même été carrément pitoyable. Mais pour une fois qu’elle a essayé de se la jouer fine et de vouloir en finir de façon plus propre, il a fallu que le gars en profite, beaucoup trop. « Ouais, bien sûr. La souplesse, c'est plutôt utile en self-défense aussi, tu pars avec un avantage pour le coup. » Le fait de son métier où elle a l’habitude de croiser ces énergumènes en manque d’attention féminine y est sûrement pour beaucoup dans le fait qu’elle soit encore plus souriante et avide dans sa volonté de défense. « Je peux t'apprendre si tu veux. » « Oui ! » Okay, on se calme, gamine. Contrôle un peu tes émotions, le cœur qui bat à tout va, le palpitant qui s’enflamme et pour l’instant, tes muscles ne sont que du caramel fondu. « Comme ça, s'il tente à nouveau de te coincer dans un couloir, tu pourras lui faire passer son envie sans avoir besoin d'aucune aide extérieure. » Billie sourit. « Si y avait qu’lui. Mais je pense que ça peut être utile tous les jours. Dublin, vous voyez ce que je veux dire. » Y a pas besoin d’en dire plus. Pas plus qu’elle dira ce qu’elle fait pour gagner son argent, le côté pile et le côté face. Parce que ce n’est pas un job dont elle se vante et surtout, elle ne veut pas qu’autrui – une inconnue en plus ! – vienne fouiner dans des affaires qui ne regardent qu’elle.

« Alors, t'en dis quoi, Billie ? » Ladite Billie arque un sourcil, surprise. « On s’connait ? » Parce qu’elle, elle n’a pas le souvenir de l’avoir déjà rencontré. Et ça, ça soulève sa suspicion bien trop rapidement.