LEILAN ► Keep up this charade

this is the way
Notre héros a été baptisé sous le nom de Neil Athelstane Lawrence, prénoms dont il a tiré son pseudonyme d'artiste, qui est devenu son nom actuel ; un anagramme de "Neil A. L.", repensé pour évoquer le prénom Leila qu'il a porté lors de certaines soirées festives. C'était il y a très longtemps, personne dans son entourage actuel n'a cette information. Une autre vie.

Son père était le pasteur de la petite ville minière de Dundee, dans une vallée montagneuse au climat agréable. La petite famille pratiquait la randonnée et autres loisirs "sains". L'attrait du jeune garçon pour le théâtre était regardé avec un léger froncement de sourcils, sans plus. Puis il a préparé une pièce de théâtre pour le cours d'histoire de l'école, retraçant la fondation de la ville par le fermier légendaire Peter Smith. La famille était fière de le voir si investi, jusqu'à constater qu'il se changeait derrière un paravent et interprétait les rôles de toute la famille Smith, y compris les dames. Impensable. Une humiliation publique, voilà ce que c'était. On lui fit bien comprendre que le théâtre, c'était fini.

Tout ce qu'il avait compris, c'est qu'il devait faire profil bas et s'esquiver le plus tôt possible. A seize ans, il travaillait comme transporteur pour la compagnie minière et il disparut un jour avec son camion, qu'il repeignit et revendit pour s'acheter une petite caravane dans une ville voisine, qui avait attiré son regard sur la carte : il faut dire qu'elle s'appelait Ladysmith. Le jeune homme légèrement superstitieux pensait y voir un signe. Il s'installa dans un terrain vague et commença à bricoler des objets d'art à partir des déchets qu'il reconvertissait. Il partait les vendre sur les marchés de la région, et à Durban, il finit par être remarqué.

Il s'était inspiré des monuments de sa petite ville, en tordant des fragments de boîtes de conserves rouillées qu'il avait ensuite recouvertes avec le cuir de vieux canapés, leur donnant une apparence à la fois organique et éclatante de couleurs. Une galerie d'art lui racheta la collection ; mais en apprenant sa bonne fortune, son voisinage en parla au pasteur local qui en informa le père de l'artiste. Ce dernier débarqua en le traitant de tous les noms. Castor et Pollux ? Gandhi ? Ces statuettes impies étaient une insulte à Notre Seigneur, et ainsi de suite. Et il allait rentrer à la maison et reprendre son travail à la mine, comme un bon chrétien.

Au terme d'une bagarre dans laquelle aucun des deux n'acceptait de lâcher prise, le vieil homme fut blessé et son fils se retrouva avec du sang sur les mains. Il garda le contrôle de ses nerfs sur le moment, et se contenta d'enfermer le pasteur inconscient dans une carcasse de voiture abandonnée, avant de quitter la ville pour Durban en téléphonant à une ambulance pour qu'elle vienne le chercher. Mais au fond de son crâne, c'était désormais inscrit ; il ne faisait pas partie des gens bien. Il était une Tête Rouge, un démon envoyé sur Terre pour y semer le chaos... tous les reproches du vieil homme sonnaient juste. Ce jour-là, il a définitivement renoncé à être un type bien, et il n'est jamais revenu en arrière sur cette décision.

Le crime lui a réussi bien mieux que l'art à proprement parler. Mais n'y a-t-il pas un art exquis à réaliser un faux qui peut tromper les experts ?

Au début, la vie du jeune homme était scrupuleusement divisée entre sa créativité d'artiste et les copies de grands maîtres. Ses propres toiles, il les vendait sous le nom de Blue Moonfleet, et elles avaient leur propre atmosphère, très particulière, mi abstraite, mi sous-marine ; elles ne marchaient pas très bien, mais il avait quelques clients sur les marchés de Durban.

Les copies, il en faisait le commerce auprès de revendeurs spécialisés de la pègre. Il se présentait alors habillé en femme, sous le nom de Leila, et il gardait son mystère. Puis il sortait faire la fête dans les bars de travestis où il laissait libre cours à sa créativité sous une autre forme, plus concrètement appréciée par le public local. Les folies de la jeunesse apaisées avec le succès financier, et les responsabilités sévères qui l'accompagnent, il quitta l'ombre du mentor qui l'avait introduit dans ces cercles sulfureux, et partit pour la capitale, où il commença à voler de ses propres ailes. L'Afrique du Sud a trois capitales, mais il tenta sa chance au Cap ; il avait envie de voir la mer. Il la peignait avec passion depuis toujours, et il n'y avait jamais plongé les pieds.

Adoptant Blue Moonfleet comme pseudonyme d'artiste officiel, il le fit inscrire sur ses papiers et vécut quelques années sous ce nom, mais ses faux étaient devenus sa source de revenus principale. Il menait une vie modeste, pour ne pas révéler ce qu'il gagnait ; et pour couverture, il travaillait auprès des organismes municipaux, sur des petits contrats ponctuels : décorer un rond-point, animer un atelier à l'hôpital... Sa nature aimable, son humour et sa légéreté le faisaient apprécier aisément. Il était ce qu'on imagine d'un artiste bohème et sans souci, qui vit au jour le jour en profitant de la plage. Sa logeuse l'avait pratiquement adopté, et rêvait de le voir se marier et de garder ses enfants. Il aurait pu rester là longtemps... si on ne l'avait pas pris la main dans le sac.

Sa némésis fut un autre artiste, comme c'est souvent le cas dans ce milieu. Blessé à la main, Thandi Mulwer avait dû abandonner sa propre carrière de peintre, et presque par amertume, s'était reconverti comme critique. Il évaluait les toiles pour les ventes aux enchères et rédigeait des articles acerbes dans les journaux spécialisés. C'était une personnalité locale, on le voyait souvent à la télévision ; même ceux qui ne regardaient pas ce genre de documentaires s'amusaient de la façon cynique dont il descendait ses adversaires. Blue appelait ce comportement "un vieux con dans un corps de jeune homme" ; il lui rappelait son père.

Le critique se mit en demeure d'étudier une oeuvre qu'il avait créée, et non seulement il démontra publiquement que c'était un faux ; mais il décela une parenté évidente avec l'art de Blue Moonfleet, cet innocent bricoleur du port dont personne ne se méfiait. Il parvint à convaincre les autorités de faire une descente dans son atelier. Heureusement, Blue avait un autre lieu de travail où il effectuait ses activités illégales, et rien de probant ne fut saisi. Mais il se sentait en danger et décida de quitter le pays. Adepte des défis, il lança un dé et compta le chiffre obtenu sur la liste des grandes capitales du monde, décidé à aller se perdre là-bas, où que ce soit ; jamais on ne pourrait deviner sa destination.

C'est ainsi qu'il arriva à Dublin. Il avait échangé avec un autre faussaire du Cap, une fausse Joconde contre de faux papiers. Dernier petit pied de nez avant de refaire sa vie. Le prudent renard avait employé son nom secret pour se composer sa nouvelle identité : Leila était devenue Leilan. Quant à Dysmith, c'était un clin d'oeil à la première ville où il avait exercé son activité de prédilection. De nouveau, il afficha une activité d'artiste public ; officiellement, il était un écossais qui venait d'hériter d'une petite somme confortable, et avait décidé de se lancer dans l'art, pour se reposer d'une ancienne carrière stressante.

Sous cette identité paisible et décontractée, il s'établit dans un quartier fourmillant d'activité et commença à peindre, en se forçant à adopter un nouveau style, qu'il espérait méconnaissable. Mais c'était sans compter sur l'oeil d'aigle de Thandi Mulwer. Le critique d'art se présenta un beau matin devant sa porte ; il avait reconnu ses nouvelles productions. Leilan n'avait pas pu résister à une commande de la ville, une grande sculpture animée pour inaugurer une exposition sur la conservation des écosystèmes marins. Le fond de son coeur s'était exprimé malgré lui.

Par chance, le critique souhaitait uniquement discuter. A la vérité, autant qu'il réprouvait l'activité criminelle de Leila, il était le plus grand fan de Blue Moonfleet ; après sa disparition, il s'était mis à collectionner ses petites toiles de début de carrière, celles qu'il avait vendues pour une bouchée de pain. Il ne souhaitait pas le faire disparaître à jamais au fond d'une geôle, ou le ruiner sous le poids des amendes. Il voulait que Leilan poursuive une longue et fructueuse carrière. Mais d'un autre côté, il respectait la loi.

Ce fut une longue conversation, qui se poursuivit jusque tard dans la nuit. Aucun des deux n'avait une âme de meurtrier ; et aucun des deux n'était prêt à se laisser acheter. Mulwer repartirait donc en possession du secret du peintre. Pour qu'il ne le révèle pas, il fallait que Leilan le fasse le premier. Il allait continuer à vivre comme il en avait coutume, mais il se mettrait en contact avec les autorités pour leur servir d'indic, tel était le compromis. Un mois plus tard, Mulwer reçut un petit tableau d'une source inconnue ; c'était son portrait, dans des teintes très bleues, et visiblement sous l'eau. Au dos était simplement inscrit : "C'est fait." Il eut un petit sourire amusé, et afficha la toile à la place d'honneur dans sa collection.



01 Il n'a jamais voulu regarder des films de James Bond, jusqu'au jour où il est tombé sur "A view to a kill" par hasard, en zappant à la télévision. Il a réalisé que les méchants étaient Grace Jones et Christopher Walken, qu'il shipait déjà ; du coup, il a regardé celui-là uniquement, avec un immense plaisir.

02 Son animal préféré est le boongarry, ou kangourou arboricole, principalement la variété avec un nez et des pattes jaunes. Mais il en aime beaucoup, surtout les variétés naines : hippopotame, chauve-souris, fourmilier...  

03  Il a vécu en vie quasi maritale avec un mécène qui lui a tout appris, une sorte de découvreur de talents qui l'a sorti de la galère et a fait de lui un virtuose. Mais ils n'ont eu aucune relation sexuelle, jugeant tous deux que leur rapport hiérarchique aurait rendu un tel rapprochement malsain. Ils se sont revus plus tard, alors que Leilan volait de ses propres ailes ; d'égal à égal, ils ont rattrapé le temps perdu pendant l'espace d'une nuit. 

04 Pour rester souple à presque quarante ans, il vaut mieux être un peu sportif. Pas de gonflette pour Leilan, mais beaucoup de gymnastique. Dans une lubie passagère pour les romans et pièces de cape et d'épée, il a pris des cours d'escrime. Il possède toujours une canne-épée, avec laquelle il ne se promène qu'en hiver. 

05 Sa famille est originaire du clan Redbone en Louisiane. Une ancêtre qui a pris la fuite de peur d'être accusée de sorcellerie, et qui a refait sa vie en élevant des troupeaux de vaches Nguni. C'est la seule ancêtre dont il se réclame vraiment, même s'il la réinvente chaque fois qu'il change son histoire pour un nouvel auditeur.  

06 Il est possible qu'il ait quelques bâtards ici ou là, il n'a pas toujours été totalement platonique, et il n'a pas toujours été prudent. Mais il a tellement voyagé qu'avec un peu de chance, il ne les recroisera jamais. 

07 Il copie beaucoup de choses, en peinture ainsi qu'en sculpture, et quelques bijoux quand il se fatigue vraiment pour un bon contrat... Mais il a bien sûr ses petits chouchous, et s'il a commencé à copier l'art de quelqu'un d'autre, c'est parce qu'il l'aimait. C'était un hommage, pour pouvoir accrocher dans sa chambre quelque chose qu'il adorait et qu'il ne pouvait pas se payer. Par exemple, il est amoureux d'un bon nombre de portraits de la Renaissance. Botticelli est très en haut de la liste. 

08 Il a vendu honnêtement quelques oeuvres. Une famille d'Iguanodons qu'il a créée est exposée depuis des années au musée de Dublin. Il y traîne parfois pour écouter ce que disent les gens, avec dans ses poches de petites reproductions du bébé qui sort de l'oeuf ; et il les offre à la sortie aux gens qui lui ont fait de jolis compliments.    

09 Etre assis à table pour dîner le rend hyperactif. Si vous l'invitez au restaurant, vous pouvez être sûrs qu'il mettra de l'ambiance, pour se distraire, parce qu'il ne se sentira pas bien ; c'est dans ces moments-là qu'il brille le plus joyeusement, en compensation. C'est un reste de trauma des repas de famille qui le stressaient tellement.  

10 Quelques détails qui n'ont pas été pratiques dans sa cavale : Leilan refuse de se raser les cheveux, ou de se les teindre en-dehors d'une palette de couleurs très proches de sa teinte d'origine : entre blond vénitien et auburn. Cette chevelure caractéristique, flamboyante et qu'il porte souvent longue, risque de le faire repérer. Mais d'un autre côté, qui croirait qu'il aurait la coquetterie de la garder alors qu'il risque sa vie ?

Ton histoire est super intéressante et vraiment bien écrite !
Pourquoi mettre en rouge ? Question de curiosité ! (et aussi parce que j'ai eu du mal à lire xD)
Bon jeu !

Et voilà, t'as réussi, t'as fini ta fiche. A présent que t'es validé, c'est parti pour organiser tout ça ! Pour bien démarrer sur le fo, suis ces liens et indications et hop !


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